Des pèlerins par dizaines de milliers affluent vers la statue miraculeuse de
la Vierge, "Reine de la paix du monde et de l’amour".
Depuis le 21 août, le sanctuaire de Notre-Dame de Béchouate, à Deir el-Ahmar
(20 kilomètres au nord de Baalbek et à 105 kilomètres de Beyrouth), ne
désemplit ni de jour ni de nuit. Les pèlerins y affluent par milliers, venus
de toutes les régions libanaises, mais aussi de Syrie et de Jordanie. A la
fête de l’Assomption (15 août), et traditionnellement, Deir el-Ahmar, siège de
l’évêché maronite de Baalbek-Hermel, est visité par des foules de fidèles des
deux grandes religions chrétienne et musulmane qui viennent y solliciter
l’intercession de la Vierge. Mais ce que l’on y voit cette année sort
totalement de l’ordinaire. L’extraordinaire affluence des fidèles, dont le
nombre se chiffrerait par dizaines, voire par centaines de milliers, a
commencé par un "signe" de la Vierge, dans la soirée du samedi 21 août, fête
de Marie-Reine dans la liturgie latine. Ce soir-là, un jeune touriste musulman
jordanien, Mohammed Hawadi (10 ans), arrivé sur place en pullman, avec son
père, à partir des Cèdres, pénètre à l’intérieur de l’église.
Selon un témoin fiable, Wagih Keyrouz, parvenu devant la statue, le jeune
Mohammed, fils d’une famille pieuse où le Coran est à l’honneur, s’entend
prononcer une prière "plus grande que lui" : "Salut à toi, Vierge Marie, Reine
du monde, de la paix et de l’amour. Des vieillards, des enfants et des femmes
tombent, de par le monde. Instaure la paix, l’amour et la liberté sur la face
de la terre, ô Reine du monde." Cette prière sort de la bouche de l’enfant
alors même que la statue s’anime sous ses yeux, que sa robe ondule comme si
elle était réellement faite d’étoffe, qu’elle cligne des paupières et que ses
pupilles se déplacent horizontalement, puis verticalement, "comme pour faire
le signe de la croix", pour reprendre une expression utilisée par des témoins.
C’est qu’en effet, le jeune garçon, surpris, croit d’abord qu’il se trouve en
présence d’une statue animée électriquement. Ses compagnons de voyage,
alertés, constatent le phénomène. Ce même soir et durant les journées qui
suivront, de nombreux fidèles verront la statue exsuder une huile odorante.
L’affluence est telle que, quelques jours plus tard, une vitre sera fixée
devant la statue dont le bas de la robe a commencé à se décolorer à cause des
milliers de bouts de cotons et de mouchoirs avec lesquels les fidèles la
frottent.
Le second signe
Le second "signe" donné par la Vierge survient le 29 août. Il s’agit d’une
grâce accordée à un jeune étudiant, Serge Nakhlé, paralysé depuis trois ans
après être tombé du balcon de l’appartement qu’il habite, à Roumieh. Etudiant
en audiovisuel, Serge tentait de prendre une photo d’un arc-en-ciel quand
l’accident s’est produit. Il s’en était sorti vivant, non sans avoir sombré
auparavant dans le coma et passé 14 mois à l’hôpital de Bhannès. L’accident
l’a laissé aux trois quarts paralysé et complètement insensible du côté
droit. Venu en pèlerinage avec son père, Béchara Nakhlé, un commerçant de
Broummana, et ses tantes, Serge, assisté de son père et de trois autres
adultes, pénètre dans la chapelle avec son "walker" et avance lentement vers
la statue. "Merci, merci", répond-il aux fidèles sur place qui lui ouvrent le
chemin. Devant la statue, il prie : "Donne-moi seulement un signe que ce que
je demande n’est pas impossible à Dieu." C’est la prière de foi imparable,
cette foi invisible que l’Evangile compare, paradoxalement, à un grain de
moutarde. C’est ainsi que Dieu souffre violence, mais c’est "la violence des
pacifiques". Et la Vierge fait le signe de la croix avec le crucifix qu’elle
tient des deux mains. Ses yeux deviennent mobiles et son regard se dirige de
gauche à droite et de bas en haut, en croix.
Fort de ce signe, Serge et son père quittent la chapelle, incommodés en partie
par la cohue, et regagnent leur voiture. Avant de démarrer, sa mère,
intuitive, lui demande s’il a "quelque chose à finir". "Oui, répond-il,
écartez-vous". Il descend de voiture, refuse le walker et entre en extase. Il
voit une voie lumineuse au bout de laquelle se tient la Vierge, qui lui fait
signe d’approcher. Et le voilà qui avance, qui court, sans son walker.
L’extraordinaire scène a été filmée. Il sort de son extase quelques moments
plus tard, après être parvenu devant la statue de la Vierge. "Pourquoi
pleurez-vous ?" interroge-t-il son père et les gens autour de lui. C’est alors
qu’il constate qu’il se tient debout, dans la chapelle qu’il venait de
quitter. Sur le chemin du retour, il constate que la sensibilité lui est
revenue tout au long du côté droit, qui était totalement insensible depuis
l’accident.
Une figure de lumière
Serge Nakhlé, que nous avons rencontré chez lui, en compagnie de son père,
poursuit aujourd’hui sa rééducation, ainsi que le raffermissement de muscles
atrophiés après des années d’inaction. Son sens de l’équilibre, qui était
perdu, lui est revenu. Son médecin traitant, le Dr Paul Bejjani, ne peut que
constater l’extraordinaire changement. A Medjugorje (village croate en
ex-Yougoslavie), en juin dernier, une figure de lumière avait annoncé à Serge
Nakhlé qu’il guérirait. En pèlerinage sur les lieux avec ses parents, l’une
des voyantes, Maria Pavloviç, avait accepté de prier pour lui. Dans la petite
sacristie où il s’était isolé, avec deux prêtres libanais, Serge avait passé
le moment de prière à verser des torrents de larmes. Interrogé par son père à
ce sujet, il lui avait confié, par la suite, qu’il s’était retrouvé dans un
espace de grande blancheur et qu’une figure humaine, dont il n’avait pas vu le
visage, l’avait touché à l’épaule en lui annonçant qu’il marcherait. Deux
autres guérisons miraculeuses auraient été enregistrées depuis, celles de
Sylvana Kosseify, victime d’une hémiplégie qui l’avait rendu aphone, et de
Assaad Chamoun, qui souffrait de problèmes articulaires. Le jeune Jordanien,
pour sa part, est revenu remercier la Vierge, avec son père, une semaine après
sa "rencontre" du 21 août. Lui aussi a été guéri de douleurs au bras et à la
colonne vertébrale.
Le suivi pastoral
Le père Fady Bassil est un homme du terroir, un homme pieux et pratique. Assisté
d’un autre prêtre, le père Elie Akoury, et sous la direction de l’évêque Mgr
Mounged el-Hachem, son bon sens et ses dons administratifs ne sont pas de trop
pour mettre de l’ordre dans toute cette invasion. Des milliers de fidèles,
descendant de pullmans climatisés, submergent tous les jours le sanctuaire et la
paroisse, sans lui laisser le temps de respirer. Dans l’après-midi, la foule
marque un temps de pause et la chapelle est plus accessible. Mais les huit
messes quotidiennes célébrées désormais à Béchouate ne sont pas de trop pour
servir les fidèles. La dernière messe est célébrée à 22 heures, et la procession
autour de l’église est suivie par plus de 500 fidèles. Pour éviter la chaleur de
la journée et la foule, des pèlerins viennent sur place dès minuit. Le père
Bassil a pu compter jusqu’à huit autocars arrivant sur place à cette heure
tardive... sinon très matinale. Beaucoup arrivent à l’aube, avant la cohue des
pullmans. Il le faut, du reste, pour pouvoir prier dans la chapelle. En cours
d’avant-midi, il est impossible de s’y recueillir tant la foule est dense.
L’atmosphère, il faut dire, n’y est pas toujours de prière. Beaucoup sont là
pour le spectacle.
Encouragé par le patriarche maronite et par le nonce
apostolique, qui a visité les lieux incognito, un extraordinaire effort
d’organisation a été déployé pour conduire la foule à la prière. Cet effort a
réussi et les confessions se multiplient dans la grande église. C’est un signe
qui ne trompe pas. La hiérarchie religieuse reste prudente quant à
l’authenticité du phénomène, comme de coutume. La part de l’exaltation doit
nécessairement être faite. Par ailleurs, toute sorte de natures viennent là, et
pas toujours pour la bonne raison. Des exaltés, des illuminés cherchent à
s’approprier le phénomène, pour justifier des prophéties douteuses. Les prêtres
rapportent la visite d’une femme qui célèbre l’eucharistie toute seule, à son
domicile… Heureusement, les autres ordres religieux maronites s’y sont mis et la
paroisse bénéficie, depuis deux semaines, d’un appui spirituel régulier.
Logistique
Sur le plan pratique et logistique aussi, les choses s’organisent. L’affluence
est une manne inespérée pour la population locale et "tout le monde travaille",
pour reprendre le mot de Zakiya Keyrouz, fille du propriétaire d’un restaurant
accolé à la nouvelle église, une enseignante venue aider ses parents durant la
saison d’été. Depuis l’invasion des pèlerins, ses parents dorment sur place et
préparent dès 5 heures du matin la pâte des "mankouchés" qu’on leur demande à
longueur de journée, jusqu’à épuisement du stock et des forces. La Défense
civile, l’eau potable, les routes, les toilettes, les premiers secours, tous les
services ont été dépassés par ce qui s’est produit. La nécessité d’un centre de
la Défense civile à Béchouate s’est imposée dès les premiers jours d’affluence,
pour la commodité des visiteurs. La noria des citernes d’eau n’a plus cessé,
depuis, alimentant lieux publics et cafés complètement débordés, qui font office
de lavabos et de toilettes publiques. Les samedis-dimanches, plus de cent agents
y règlent la circulation, tandis que, sur ordre du président de la République,
des portions de route commencent à être réasphaltées. En fait, tout Béchouate
participe à l’effort d’organisation du pèlerinage, qui a dépassé toutes les
attentes. Des dizaines de bénévoles venus du wakf, de la municipalité ou de
confréries de laïcs encadrent les pèlerins. "Vous êtes libres de le croire ou
pas, lance une bénévole remplissant de petits sachets en plastique, en vingt
jours, nous avons distribué quatre tonnes et demie d’encens !"
Pontmain, la Vierge de l’Espérance
L’histoire de l’apparition de la Vierge à Pontmain est l’une des plus belles à
conter. En 1871, l’armée prussienne déferle vers l’ouest de la France.
Pontmain est un hameau d’une quinzaine de maisons perdu dans la région, situé
à 50 kilomètres au nord de Laval, une position qui commande l’accès au pays
breton. Nous sommes en janvier et la neige recouvre le sol et les toits. La
nuit vient de tomber, une nuit sans lune. Jamais les enfants, Eugène,
Barbedette (12 ans) et son frère Joseph (10 ans), n’avaient vu autant
d’étoiles. A six heures et demie, ils sortent de chez eux et voient, au-dessus
d’une grange qui fait face à leur chaumière, un signe dans le ciel. Une dame,
les mains tendues dans un geste d’accueil. Elle porte une tunique faite d’une
étoffe bleue sombre parsemée d’étoiles d’or, comme le plafond de l’église.
Elle sourit en plein ciel. La tunique bleue étoilée, sans ceinture, tombe
droit sur des chaussons à ruban d’or. Un voile noir encadre la figure petite
et blanche. Il couvre le front aux deux tiers et retombe en arrière jusqu’à la
taille. Sur la tête, une sorte de toque dont les bords s’évasent vers le
sommet, sans autre ornement qu’un liseré rouge à mi-hauteur.
Alertés, les parents, le voisinage et bientôt le curé et toute la commune ne
voient rien. Ils seront six enfants à décrire la scène merveilleuse qui se
déroule sous leurs yeux. Une veillée de prière s’improvise, litanies et chants
alternent. La dame embellit au fur et à mesure de la prière. Elle semble se
rapprocher et grandir. Cette croissance est harmonieuse, proportionnée. Les
étoiles qui parsèment sa robe se multiplient. C’est une véritable féerie
astrale. Puis, dans l’intervalle entre le toit de la maison et les pieds de
l’apparition, une banderole blanche apparaît. Sur le fond clair, des lettres
couleur d’or, comme des capitales d’imprimerie, vont se tracer. Les enfants
épellent au fur et à mesure qu’elles s’inscrivent : "Mais priez mes
enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps. Mon Fils se laisse toucher."
C’est la Vierge. Vers 21 heures, alors que toute la commune est à genoux dans
la neige et que, sous la conduite du curé commence un examen de conscience, un
grand voile blanc apparaît aux pieds de la Vierge, monte lentement devant elle
et la cache progressivement, de bas en haut. Il est neuf heures. Chacun rentre
chez soi, le cœur apaisé. Toute crainte s’est envolée. Le 22 janvier, les
troupes allemandes se retirent. Pontmain et la Bretagne sont
providentiellement épargnés. A l’abattement et au doute des premières semaines
de 1871 succède le sentiment qu’un cauchemar se dissipe.
Après le soir du 17 janvier, les voyants entrent, comme on dit, dans "la voie
commune". Ils mèneront une vie obscure, généreuse, consacrés à Dieu pour la
plupart. Un grand mouvement de prière naît de l’événement, qui servira de
signe d’authenticité à l’évêque du lieu. Pontmain, où la Vierge est connue
sous l’appellation Notre-Dame de l’Espérance, accueille annuellement, de nos
jours, 300.000 pèlerins. Il n’existe aucun document écrit retraçant l’histoire
du sanctuaire de Notre-Dame de Béchouate, ni la raison pour laquelle c’est une
statue de la Vierge de Pontmain (Bretagne-France) qui trône dans la niche de
la petite église historique. Du sanctuaire, on sait qu’il a été ravagé, en
1905, par un incendie, puis restauré. Par ailleurs, selon une tradition orale,
l’installation de la statue de la Vierge de Pontmain daterait de 1880. Ce
serait un père jésuite français, auquel la population avait demandé une statue
de la Vierge, qui aurait fixé son choix sur la Vierge de Pontmain.
"Lève-toi et marche !"
Sylvana Kosseyfi (42 ans), une veuve vivant avec son fils unique, nous
accueille dans son modeste chez elle, à Jbeil, prépare le café et, après
s’être assise, affirme calmement que, normalement, elle aurait dû être
aujourd’hui dans la phase terminale de sa maladie, avec à peine trois à quatre
mois d’espérance de vie. Sylvana est arrivée à Béchouate sur son walker, le 3
septembre au soir, percluse et péniblement assistée d’amis. Elle ne demande
pas la guérison, non, mais juste une fin dans la dignité et l’autonomie, ainsi
qu’un bon avenir pour son adolescent de garçon. Parvenue devant la statue de
la Vierge, elle tend son écharpe à un jeune homme qui se trouvait près d’elle,
lui demandant de le passer sur la vitre de protection. Après l’avoir repris,
elle l’enroule autour de son cou et hume une délicieuse odeur de fleurs. Elle
pense d’abord que c’est de l’encens, mais comprend très vite qu’il n’en existe
nulle part dans la chapelle. Elle s’adresse alors à la Vierge et lui demande
un signe. Un "autre signe", faudrait-il dire. Elle entend alors dans son cœur
la Vierge lui dire "Lève-toi et marche", non pas une, mais deux fois.
"Maintenant ?" lui demande-t-elle, à la deuxième injonction. "Oui !" répond la
Vierge. Elle court alors, en extase, vers la nouvelle église et s’agenouille
sur la marche conduisant à l’autel, tandis que s’élèvent les prières d’action
de grâce.
Sylvana Kosseyfi vit, depuis, dans la grâce. Dans un torrent de grâce,
faudrait-il dire. Il lui a fallu plusieurs jours pour "réaliser" ce qui
s’était passé. La maladie ayant gagné le cerveau, elle vivait dans l’attente
de la mort. Une vie de foi, de piété, d’obéissance à son directeur spirituel,
marquée par des hémiplégies faciales qui la terrassaient de longues heures
durant, des douleurs insoutenables à la tête et au corps, la langue lourde, et
pouvant à peine franchir les quelques mètres qui séparaient sa chambre de la
cuisine. Aujourd’hui, les douleurs ont disparu, l’appétit est revenu, la
marche aussi et la détermination de témoigner sans réticence, quand l’occasion
lui est donnée de le faire. Son médecin traitant la suit de près, afin de
constater le caractère irréversible de ces progrès.
Une invitation à la rencontre
Il manque une parole aux manifestations de la Vierge à Béchouate, entend-on
dire. Certes, mais si l’on fait le lien entre ces signes et d’autres, qui se
sont multipliés ces dernières décennies, les mots non seulement ne manquent
pas, ils font profusion. Le père René Laurentin, grand spécialiste des
apparitions de Lourdes et de la rue du Bac, auteur d’un ouvrage de référence
sur "La multiplication des apparitions de la Vierge aujourd’hui" (Fayard) et
de chroniques sur Medjugorje, résume les choses très simplement : "Ces signes,
dit-il, sont des invitations à la rencontre". "Le surnaturel sensible,
ajoute-t-il dans un ouvrage sur l’apparition de Pontmain, n’est pas fait pour
qu’on s’y attarde, mais pour être dépassé". Et le rappel n’est pas inutile. Le
père Fady Bassil constate, pour sa part, une certaine "gourmandise" de
surnaturel et affirme qu’il est malsain de s’attarder aux signes et d’en
vivre. Au demeurant, il est presque de règle, affirme le père René Laurentin,
qu’une apparition ou un signe s’accompagne de répliques, parfois surfaites. Ce
fut, par exemple, le cas à Lourdes. Il n’est pas indifférent de souligner que,
depuis le signe de Béchouate, une animation de la statue de la Vierge a été
signalée au couvent de Ras-Baalbek et qu’une statuette de la Vierge à Fanar,
dans la banlieue de Beyrouth, ait exsudé de l’huile parfumée.
C’est pourquoi l’Eglise a toujours été prudente à l’égard des signes et
apparitions, de crainte de verser dans la crédulité et d’alimenter une piété
superstitieuse. Pourtant l’Eglise prend soin de ne pas discréditer non plus la
religiosité populaire, dans laquelle elle voit "une expression authentique de
la foi", selon un document de la congrégation pontificale pour le Culte divin.
Le document souligne que "la foi est appauvrie là ou est abandonnée ou
minimisée la dévotion populaire". La canalisation de la ferveur populaire vers
les sacrements est la réponse de l’Eglise à ces signes. En particulier les
sacrements de réconciliation et de communion. "Occupez-vous des fruits, nous
nous occuperons du reste", recommande la hiérarchie aux prêtres de paroisses.
Et c’est souvent aux fruits que l’authenticité d’une apparition ou d’un signe
s’impose de façon indubitable et définitive. Même alors, les apparitions ne
sont pas des objets de foi, au même titre que les dogmes, tant s’en faut, et
une entière liberté est laissée aux fidèles d’y croire ou pas. Il est pourtant
un message qui s’impose naturellement et dont l’évêque du lieu semble
convaincu : celui d’un message de fraternité de tous au regard de Dieu. Le
père Bassil a par ailleurs fait imprimer, sur un grand drap qu’il a tendu sur
la façade de la petite chapelle, le message de la Vierge de Pontmain, "Mais
priez mes enfants (...) Mon Fils se laisse toucher", une invitation à une
prière généreuse et confiante qui est de tous les temps.
Les statues miraculeuses
Le fait que la Vierge choisisse de faire signe par le moyen d’une statue la
figurant, pour être surprenant, n’en est pas moins courant. Dans l’histoire de
la sainteté, l’exemple le plus célèbre d’une statue qui s’anime se trouve dans
la vie de sainte Thérèse de Lisieux, à qui une statue de la Vierge a souri le
13 mai 1883. On ne manque pas d’exemples, au Liban, de statues et d’icônes qui
se transforment en théophanie par de guillements. Des statues et des icônes
qui versent des larmes, exsudent du sang et, plus souvent, de l’huile.
L’exemple de la statue de Rmeich (Liban-sud), dans les années 70, n’est pas le
moins impressionnant. On se souvient aussi de l’émotion provoquée par le
suintement de l’icône de la Vierge, en l’église Saint-Georges des grecs
orthodoxes, à Kousba (Liban-nord). Fraudes et supercheries ne sont pas
exclues, en la matière. Mais en général, la supercherie ne résiste pas à une
enquête solide sur les données physiques d’un phénomène comme sur la moralité
des protagonistes. En fait, dans un pays comme le Liban, les icônes ou statues
miraculeuses abondent, aussi bien dans les sanctuaires que dans les foyers.
Ainsi, cette icône de la Vierge trônant dans un appartement d’Achrafieh
(Beyrouth), qui exhalait un parfum d’encens, au plus fort des bombardements,
durant la guerre.
Un article d’un volumineux "Dictionnaire des miracles et de l’extraordinaire
chrétien", paru chez Fayard, explique bien ce qu’est une icône miraculeuse.
Selon la théologie orthodoxe, l’icône est reconnue comme signe et non pas
comme un simple symbole. Elle est chargée d’une "énergie incréée" ayant sa
source dans l’Esprit Saint. Dieu n’y est pas présent dans son essence, mais
dans son énergie, sa grâce, qui descendent et couvrent celui qui entre en
contact avec elle. On pourrait s’interroger sur ce qui distingue une icône
miraculeuse d’une icône normale. La réponse est : rien. Ou bien, il n’y a pas
d’icône normale. C’est-à-dire que toute icône est potentiellement miraculeuse,
parce que sainte.